23/02/2021 – Tu lui a bien cloué le bec à « Jack » !
Après quelques jours d’hésitation, de va et vient, de tergiversations sur la capacité de Mike à endurer une audience de plusieurs heures au tribunal de Privas… nous finissons par le laisser tenter l’aventure sous surveillance. Plusieurs se bousculent au portillon de l’accompagnement ! Son rêve n’est finalement pas si éloigné de celui de tant d’autres qui attendaient la bonne occasion ! J’apprends que ma mère espérait depuis 6 mois tandis que Brendan n’escomptait qu’une opportunité pour se proposer ! Sommes-nous plus promptes à répondre à ses attentes qu’à entendre nos propres désirs ? Il passe avant comme une évidence qui se glisse d’ignorer les contraintes de ceux qui facilitent sa progression. Sans même demander, il se voit offrir le prolongement de son rêve de policier. Légèrement éloigné de son projet, nous devons expliciter le lien subtil qui unit l’arrestation à la condamnation. Maladroits. Insistants. Durant plusieurs jours nous persévérons. Nous expliquons. Nous racontons dans les détails la manière dont va se dérouler la journée. Nous voulons assurer qu’il n’intervienne pas de manière spontanée en plein milieu du réquisitoire ! Il serait capable de crier « coupable » pris dans l’intensité du moment. Epris de justice. Passionné par l’intrigue. Convaincu de ses facultés innées de policier. Nous devions absolument le préparer de la chute de ses fantasmes à la vérité sordide d’une justice placide et froide. Ce qui résonne tel le graal de sa soif de droiture, ressemble plus au purgatoire d’une société malade peinant à tenir son idéal d’égalité, de fraternité et encore plus de liberté.
Nous nous posions la question de sa capacité à endurer les contraintes de l’enfermement, de la concentration et du silence requis du privilège de témoins captifs et complices de la solennité de l’acte de l’acquittement à la condamnation. De sa faculté à supporter le long supplice des délibérations. De sa volonté à tenir l’exigence de l’exercice d’une profession qui n’est encore que fiction. Sa détermination. Son entêtement. Nous hésitions alors qu’en silence il savait déjà. Il attendait simplement que nous lui donnions la chance de nous montrer. L’opportunité d’exister. Tel qu’il se conçoit loin de nos craintes. Tel qu’il se rêve dans les nuits sans sommeil que nous feignons d’ignorer. Tel qu’il est en dehors de ce que son diagnostic laisse à penser. Heureux de s’être extirpé des griffes de parents qui, malgré eux, le retiennent encore prisonnier de sa condition d’enfant. Libre au cœur d’un cercle familial différent où l’attention curieuse l’incite à se dépasser plus qu’à s’adapter. Depuis quatre jours, il se prépare en secret au défi de sa consécration. Convaincu de tendre vers sa destinée, il sait que la route qui l’y conduit fourmille d’obstacles. De sa condition aux fausses perceptions qui encombrent l’horizon. Il expose son plan de carrière avec sérieux et détermination. Nous l’écoutons tant affolés que rassurés. Fiers des convictions qu’il est capable d’afficher. Pétrifiés de ne pouvoir l’aider à les exhausser. Bien que consciente que tous les rêves d’enfants ne se transforment en réalité, je ne sais me résigner à ignorer que sa volonté dépasse les caprices immatures exprimés par certains.
La journée se passe sans que j’y pense. Occupée à profiter d’autre chose. Ailleurs. Déconnectée, j’oublie jusqu’à ce qu’il m’appelle enjoué. Comme je m’y attendais, tout s’est très bien passé. Il a tenu le rôle qui lui était donné. Il a aussi posé de nombreuses questions pertinentes et persistantes. Il a fait rire son auditoire par le sérieux et l’application de son implication. Sans doute admiratif de sa marraine dans l’exercice de sa profession, il la hisse naturellement à hauteur du juge déplorant que ce dernier occupe une position à laquelle il l’élit sans hésitation. « Tu lui a bien cloué le bec à Jack ! » Je n’étais pas présente pour observer cette nouvelle aventure. Je l’y vois comme si j’y étais. J’entends dans sa voix la fierté d’avoir relevé le challenge. D’avoir tenu le rôle auquel rien ne le disposait. D’être entré dans le conciliabule d’acteurs en charge de l’application des lois. Le cercle restreint auquel il se destine. Les responsabilités. L’intégrité. L’identité selecte de ceux auxquels la société confère le pouvoir suprême de faire respecter les règles qui nous gouvernent. Lui passionné de justice. Lui épris d’égalité. Lui privé d’équité. Lui tenu de prouver ses capacités.
Nous échangeons rapidement. L’intensité de la préparation contraste avec la rapidité des conclusions. Nous vaquons déjà à de nouvelles occupations. Lui aussi vogue vers un nouveau pari. J’entends un « tu avais raison de passer outre sa négation ! » Déjà confrontée au refus d’entreprendre ce qu’il se sait capable d’accomplir mais dont nos hésitations le privent… j’ai encore une fois forcé la main au destin. Suscité l’impossible pour le rendre banal. De limites en limites, nous franchissons tous les leurres qu’un diagnostic a mis sur notre chemin. Je finis par croire au mirage de sa déficience. Une barrière qui nous excuse plus qu’elle l’exclu. Après l’armée, le tribunal. Prochain arrêt la police. Nous verrons bien où cela le mènera !
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