Lucie Carrasco, créatrice de mode, est partie tester l’accessibilité urbaine à l’américaine. Dans "Lucie à la conquête de l’Ouest", une émission de télé-réalité, on suit la jeune femme dans son périple en fauteuil roulant. Bienvenue dans le champ des possibles de la mobilité avec un handicap !
Sa traversée des États-Unis en fauteuil roulant a été diffusée le 8 mars 2016 sur la chaîne June, et le 8 juin 2016 sur Youtube.
Je n’ai pas demandé à naître, je ne demande pas de mourir. Pourtant, entre les deux, je veux en profiter pleinement ! Je suis une rêveuse née avec amyotrophie spinale, ce qui signifie une santé fragile. On a dit que j’allais mourir à 3 mois, puis 3 ans. Je suis toujours là. Ma maladie évolue, et paradoxalement je me sens de mieux en mieux. Si ça continue, à la fin de ma vie je devrais marcher (rires). Mon amour de la vie et mes rêves m’ont permis de sortir la tête de l’eau. Le jour où je cesserai de rêver, c’est que je serai morte. J’ai déjà réalisé des choses incroyables !
« Lucie à la conquête de l’ouest » est dynamique et ne tombe pas dans le pathos. Ce n’est pas un documentaire sur la mobilité avec un handicap, simplement un très beau voyage. Il a fallu quatre ans à Jérémy Michalak (ndlr : le producteur) pour vendre l’émission car « les handicapés ne font pas d’audience ». Traverser les États-Unis est plus facile que la rue en bas de chez moi. J’ai même vu un enfant en fauteuil roulant qui descendait d’un bus scolaire au milieu de tous ses camarades valides. Aux États-Unis je peux m’endormir sereine, sûre que le lendemain, je trouverai des villes accessibles et adaptées. J’ai voulu tenter ma chance sur le territoire américain, juste pour voir si on considèrerait une créatrice atteinte d’un handicap.
Devinez quoi ? J’ai décroché des entretiens, et même une proposition de poste, qui ne s’est malheureusement pas concrétisée, faute de visa. J’ai été traitée comme n’importe quel postulant. En France, on nous demande de toucher nos alloc et de taire une quelconque ambition. J’ai créé ma marque de vêtement (ndlr : Lucie Carrasco) mais je n’en vis pas. Pour aller plus loin, il faudrait que les banquiers me prêtent de l’argent, mais ils refusent en raison de ma maladie. En France, je ne suis qu’une personne handicapée.
Le handicap ne m’inspire pas. Habiller des personnes handicapées dans une mode handicapée ? Je comprends plus facilement l’initiative d’un créateur valide. Dans ce cas, il y a une mixité.
J’ai parfois l’impression que ce n’est pas la vraie vie. Je suis pour l’indépendance et le non-assistanat. Déjà toute petite, je passais mon temps avec des valides, dans la limite de mes capacités. Quand les autres jouaient au football, j’étais l’arbitre. J’ai toujours su trouver ma place, même si la France n’est pas le lieu idéal pour nous faciliter la vie.
L’accessibilité urbaine est une question de volonté de la part des gouvernements. En Angleterre, par exemple, les taxis ont des rampes handicapés. En France, il y a un monde entre ce qui est affiché et la réalité. Je suis allée un jour dans un hôtel à Paris qui se disait "établissement accessible". Une fois arrivée devant l’établissement, je me suis retrouvée confrontée aux marches d’un escalier qui menait à l’entrée. L’hôtel était accessible à l’intérieur, mais pas depuis l’extérieur. Une absurdité pourtant si fréquente.
Le quota, aussi, est ridicule ! On tape sur des petits commerçants qui n’ont pas les moyens de faire les travaux nécessaires pour assurer l’accessibilité des personnes handicapés, alors que j’ai vu des CAF inaccessibles. Ensuite, ce sont les handicapés qui deviennent la bête noire. Dans le regard des autres, il y a une espèce de mépris : « On en fait déjà beaucoup pour eux, ils ne vont pas nous em… ». J’ai compris que ça irait plus vite si je m’adaptais au monde, plutôt que d’attendre que le monde s’adapte à moi. Et puis, j’ai aussi un fiancé fabuleux, toujours là pour me soutenir.
Notre rencontre a été un véritable coup de foudre. Mon handicap n’a jamais été un frein. Ça peut surprendre les gens de m’imaginer avec un homme valide, mais croyez-moi, même les personnes handicapées ont des relations amoureuses, et même sexuelles.
Comme tout le monde j’ai eu des partenaires sexuels, y compris d’une nuit. Même si certains avaient peur de cette intimité, ou plutôt des suites. Ils se disaient : « Ça ne doit pas lui arriver souvent, elle risque de tomber amoureuse ». Alors que pas du tout ! En France, sexe et handicap sont tabous. Dans ces deux domaines, on progresse lorsqu’on apporte de la légèreté !
En savoir plus sur Lucie Carrasco
À lire aussi sur le tourisme et le handicap moteur
Vacances accessibles : les applis et les sites incontournables
Voyager avec un handicap ou une santé fragile, c’est possible !
© 2018 Plateforme Hizy