Le mensonge, ce n’est pas très beau, mais très courant, y compris sur les réseaux sociaux. Faut-il pour autant verrouiller son compte Facebook, ne plus croire en rien (ni personne) ? Comment se protéger, sans tomber dans la paranoïa ?
Géraldine * raconte son quotidien de maman d’enfant handicapé dans un groupe de parents sur les réseaux sociaux. Elle dit tout. Les difficultés liées à la maladie, les interminables heures d’attente angoissée dans les hôpitaux. Les autres parents la lisent et la soutiennent, ils ont de la peine pour elle. Le doute s’installe pourtant devant certaines incohérences. Et lorsque Géraldine récupère des photos d’enfants sur d’autres pages en les présentant comme les siens, le masque tombe. Géraldine n’a pas d’enfant handicapé, a-t-elle des enfants d’ailleurs ? Douche froide. Cette histoire d’une « maman mytho » a circulé, certains ont même signé une pétition pour qu’elle cesse ses agissements. De « vrais » parents se sont sentis « trahis ». Un mensonge de ce type peut être terriblement blessant, mais est-ce plus fréquent sur le net ?
« La mythomanie est une pathologie très rare, rassure Pascal Neveu, psychanalyste et psychothérapeute, auteur de Mentir pour mieux vivre ensemble. La personne ment en croyant vraiment à ce qu’elle dit. Le mensonge est plus courant que la mythomanie et sur les réseaux sociaux, comme “dans la vraie vie”, il n’a généralement pas pour but de blesser les autres. Il s’agit plutôt d’inventer ou d’en rajouter pour se donner une contenance, se montrer sous un autre jour, se faire plaindre ». La position de victime, un « fond de commerce » pour certains internautes en mal d’attention et de reconnaissance? « Dans le cas des parents d’enfants handicapés, poursuit Pascal Neveu, ceux qui exagèrent ou travestissent la réalité cherchent d’abord de l’écoute, de la compassion par rapport à ce qu’ils vivent et qui peut être parfois très douloureux. »
L’écran permet de se préserver du regard et du jugement de l’autre, de dire tout ce qu’on a sur le cœur et de vider son sac, dans l’immédiateté. « J’invite les parents à réfléchir un peu avant de publier un message important ou de raconter des événements douloureux ou très personnels, poursuit Pascal Neveu. Un moyen de laisser retomber la pression, de se garder l’opportunité de parler de ses véritables soucis à des personnes proches ou, pourquoi pas, à un psy. » Ne pas tout raconter à tout le monde ni n’importe où, protéger ses enfants aussi, dont l’intimité est parfois malmenée sur les réseaux sociaux. D’où la nécessité de choisir des groupes qui correspondent à nos centres d’intérêt, à nos valeurs. Des groupes si possibles administrés par des modérateurs. Il est aussi possible de sécuriser sa page Facebook, d’échanger seulement avec ceux que l’on a ajoutés à notre liste d’amis.
Rester critique à l’égard de ce qu’on lit et prudent par rapport à ce qu’on livre de soi, d’accord. Mais quand les mensonges et les échanges blessent et portent atteinte à mon image ou à celle de mes enfants ? « Quand le préjudice moral est important, il est possible de porter plainte au commissariat ou à la gendarmerie, explique Xavier Tannier, auteur de Se protéger sur Internet, conseils pour la vie en ligne. On peut le faire pour diffamation dans le cas où des mensonges portent atteinte à l’honneur d’une personne ou pour injure, lorsque les propos tenus, sans fondement factuel, sont offensants. Faire partie d’une immense communauté partageant les mêmes intérêts ou problématiques est bénéfique, cela reste un formidable outil de partage. Sur Internet, les humains sont les mêmes que dans la vie, alors même s’il faut rester vigilants, ne tombons pas dans la paranoïa. »
*Le prénom a été changé
On a arnaqué mon fils handicapé
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