Pas le choix, votre enfant handicapé doit voir un psychomotricien, une kiné, un orthophoniste… Mais comment faire pour que ces rendez-vous avec le professionnel se passent au mieux ? Mode d’emploi d’une relation médecins - parents délicate.
Entre professionnel – détenteur d’un savoir, et donc d’un pouvoir – et parents, la relation reste délicate. Longtemps, la famille s’est trouvée isolée, subissant des décisions pour lesquelles elle n’était pas toujours consultée. « Depuis la loi de 2002 (sur les droits des patients et la qualité du système de santé), les parents ont pu reprendre un peu du poil de la bête », estime Jean-René Loubat, psychosociologue et consultant libéral auprès des établissements sanitaires, sociaux et médicosociaux. En l’occurrence, ils peuvent exiger un véritable projet personnalisé de la part du service auquel ils confient leur enfant. Un document clair, concret et précis, à la base de la collaboration médecins - parents.
Mais, dans les faits, l’alliance n’est pas si simple. Incompréhension face au jargon employé, méfiances et rivalités émaillent fréquemment la relation avec les professionnels de petites tensions. Pour les éviter, un impératif selon le psychosociologue : « Mettre les choses à plat dès le début et préciser quelles seront les prérogatives de chacun. Il faut être clair soi-même si l’on veut faire passer ses exigences. »
Parfois, c’est en cours de route que la relation se gâte. Un mot de travers, un regard mal perçu, et le doute s’installe : médecin et parents doivent communiquer. Véronique Gard, dont le fils Nicolas est atteint d’autisme, n’hésite pas à être franche dans un tel cas : « Il m’est arrivé de trouver une psy un peu dure, je le lui ai dit. En fait, j’avais juste mal interprété ses propos… » N’attendez pas pour signaler aux pros les réflexions ou attitudes qui vous contrarient : vous risqueriez de gamberger dans votre coin et de finir par exploser sur un malentendu qui aurait pu être rapidement dissipé.
L’échange doit pouvoir se baser sur le respect mutuel, la confiance et la transparence
Pour parler au professionnel et faire ses remarques en douceur, Laurence Huc « met toujours une pointe d’humour ». Selon cette maman – dont le fils Florian souffre d’une maladie génétique rare, le syndrome 48 XXYY –, le dialogue est la condition sine qua non d’une bonne collaboration avec le professionnel. L’implication également : « Il ne faut pas avoir peur de s’imposer en tant que parents. Si les pros sont bardés de diplômes, nous sommes les premiers experts de nos enfants ! » estime t-elle. L’échange doit pouvoir se faire d’égal à égal, prendre la forme d’une collaboration basée sur le respect mutuel, la confiance et la transparence.
Encore faut-il « reconnaître le professionnel en tant que tel », rappelle Jean-René Loubat, et veiller à rester serein. Pour travailler en bonne intelligence, évitez de prendre votre interlocuteur à rebrousse-poil, quoi que vous ayez à dire. Trouver le ton juste n’est pas aisé, comme en témoigne Élisabeth de Lavergne, dont la fille Fanny est atteinte du syndrome de Williams-Beuren : « Nous avons parfois été agressifs au début. Il faut du temps pour que la relation entre les parties s’équilibre. C’est difficile – y compris pour les pros, car ils encaissent ! » S’il peut être nécessaire de se montrer ferme, les remarques seront bien mieux entendues dans le calme.
Si la communication entre médecin et parents vire au dialogue de sourds, Jean-René Loubat suggère de passer par des tiers : médiateur, conseil de la vie sociale, réseaux, associations. Ils vous aideront à vous sentir plus forts, à faire entendre votre voix, et vous mettront en contact avec d’autres parents – une excellente source d’information si vous optez pour le libéral.
Certes, il y a le feeling. Mais cela ne suffit pas toujours. Si la relation n’évolue pas, comment savoir s’il vaudrait mieux se tourner vers un autre spécialiste ? Ou s’il faut juste se montrer encore un peu patient ? Jean-René Loubat avertit : « On ne peut pas garantir un résultat. Mais s’il n’y en a pas, le professionnel doit s’efforcer d’expliquer pourquoi. Un parent sent qu’il est en confiance si l’expert l’associe à sa réflexion. L’absence de clarté est mauvais signe… »
Élisabeth de Lavergne a longtemps consulté un orthopédiste pour Fanny, sans résultat. Elle a aujourd’hui trouvé – par bouche-à-oreille – le professionnel capable de corriger sa marche en équin. Désormais, elle n’a pas de scrupule à changer de médecin si nécessaire. « Quand on n’est pas content, on s’en va ! Il ne faut pas se perdre en considérations, mais garder son objectif en tête. L’émotionnel n’a pas sa place ici, ce ne peut être qu’un frein… » Et, comme le souligne Jean-René Loubat, remettre en question la compétence d’un pro dans un domaine précis « n’est pas s’en prendre à la personne ». Faire confiance ne signifie pas se laisser dominer par le prestige du titre…
Le docteur Gilles Bouquerel est directeur du Camsp Le Moulin vert à Paris.
Les professionnels restent des personnes étrangères, dont l’intrusion dans la vie familiale n’est pas facile. Les parents adoptent alors parfois certaines postures : soumission ou, au contraire, volonté de direction. Un ajustement est nécessaire, afin que chacun sache jusqu’où il peut s’impliquer. Médecins et parents doivent être en mesure de parler de ce qu’il se passe. Si les parents ont des critiques, il est important qu’ils puissent les formuler. Ils ont le droit de ne pas être d’accord avec les professionnels, mais ceux-ci peuvent avoir des raisons de persister dans leur point de vue. Des rendez-vous réguliers avec les médecins sont organisés, car il doit y avoir dialogue pour résoudre incompréhensions et difficultés. Mais les parents ont toujours la liberté de partir. Et nous n’avons pas à leur demander leurs raisons, bien qu’il soit utile de savoir ce qui se cache derrière. Parfois, leur départ du Camsp est une façon de dire qu’ils veulent un nouveau départ ailleurs.
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