Certains parents couvent davantage que d’autres leurs enfants. Une attitude qui leur est souvent reprochée dans la relation de famille. On parle alors de surprotection dans ces cas-là. Mais en font-ils vraiment trop ?
Petite expérience : tapez le mot "surprotection" dans un moteur de recherche sur Internet ou dans une bibliothèque bien indexée, vous trouverez la liste de la quasi-totalité des sites et des ouvrages traitant du handicap de l’enfant et de ses relations familiales. Inutile par définition, la surprotection est nocive, c’est entendu.
On retrouve cette idée jusque dans les textes du ministère de l’Éducation nationale, qui l’évoquent à propos des AVS : « Dans leurs actions, ceux-ci doivent garantir au mieux et sans inutile surprotection la sécurité physique et morale des élèves handicapés, sans jamais constituer un frein au développement de leur autonomie. »
À l’origine de ce comportement, on suspecte la culpabilité des parents, avec comme conséquence un enfant qui ne peut pas déployer ses ailes, étouffé par un dévouement parfois douteux. Beaucoup d’amour est bénéfique, certes, mais trop d’attention nuit. Où se situe la limite ? « Bien malin qui saurait le dire », s’amuse Annie Croquet, directrice du Camsp de Pontoise. « Peut-être parce qu’il s’agit d’un jugement, bien plus que d’un conseil utilisable par une maman inquiète de voir son enfant un peu inhibé. »
Lorsque des professionnels parlent de surprotection, ils remettent en cause, parfois brutalement, la compétence parentale. Et quand ils assènent : « Votre fils n’y arrive pas, vous le couvez trop », trop souvent la mère entend : « Vous êtes nocive pour votre enfant ».
Une analyse hâtive qu’Annie Croquet juge déplacée, surtout quand l’enfant couvé souffre des séquelles d’une prématurité. Par culpabilité d’avoir expulsé trop tôt leur petit, certaines mères en font trop. « Comment et pourquoi le leur reprocher ? », s’interroge-t-elle. « J’ai connu un seul cas réellement pathologique.
Une mère craignait en permanence des maladies graves pour sa fille et l’avait fait examiner par des dizaines de médecins, lui rendant la vie impossible. Mais cette maman souffrait d’une maladie psychiatrique, le syndrome de Münchhausen par procuration, extrêmement rare. » Sinon, dans sa pratique courante, cette directrice de Camsp affirme n’avoir jamais observé que des enfants surprotégés manifestaient, dans leurs acquisitions ou leur développement, les effets néfastes d’un comportement parental.
Les mamans qu’elle rencontre sont bien conscientes de dépasser les limites de temps en temps. Elles avouent : « Je m’en occupe trop », « Je cède trop souvent, ce n’est pas bien. » Et elles s’attachent à améliorer leur conduite selon leurs possibilités, avec leur histoire particulière. « Mieux qu’un discours moralisateur, une remarque humoristique suffirait généralement à rappeler aux plus angoissées qu’il faut laisser son enfant respirer », estime Annie Croquet.
Annick, la maman d’Armelle, 7 ans, qui souffre du syndrome de Prader-Willi, partage le même scepticisme à l’égard des dangers d’une attitude trop étouffante. « Il me semble que la protection excessive, bien compréhensible quand un bébé a été près de mourir, tombe peu à peu, naturellement, à condition que les parents soient rassurés », explique-t-elle.
Selon l’expérience de cette maman, la bonne distance est d’autant plus facile à trouver que les professionnels eux-mêmes ne sont pas exempts de ces excès : « Prompts à nous accuser d’infantiliser nos enfants, de les surprotéger, ils ont trop souvent ce comportement avec nous », remarque-t-elle. La nécessaire mise à distance est-elle plus lente lorsque le handicap de l’enfant l’empêche de se rebeller ? Y a-t-il forcément urgence à mettre en garde les parents contre la surprotection, dès l’annonce du handicap ?
Myriam, mère d’un petit garçon trisomique de 5 ans, s’est vue annoncer dès la maternité que son bébé aurait tendance à être mou et qu’il ne fallait pas trop le chouchouter. Elle se souvient encore avec douleur de cette prédiction en forme de conseil. « Avec le recul, j’en conclus le contraire : nous avons bien du travail pour protéger nos enfants des préjugés ! », déclare-t-elle.
L’hôpital Sainte-Justine de Montréal édite de nombreux livres de conseils aux parents, et avait mis en ligne le résumé d’un ouvrage épuisé, Être parent d’un enfant atteint de maladie neuromusculaire. Le portrait psychologique de l’enfant trop protégé est dressé. En voici quelques extraits.
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