Un homme brillant, docteur en philosophie, diplômé de Sciences-Po Paris, polyglotte... et autiste Asperger. Mais le super-héros au handicap invisible aime bien remettre les pendules à l’heure… Autisme témoignage : la rencontre avec Josef Schovanec, TED (troubles envahissants du développement).
À l’échelle de l’histoire de l’autisme, Rain Man relève de la préhistoire. Ce côté supposément génial, en apparence flatteur, n’est pas une porte ouverte à l’inclusion. Aussi brillant qu’il soit, le porteur d’autisme n’est pas la personne avec qui les employeurs voudront travailler.
Il y a un lien très fort entre le statut social des parents et le devenir de leurs enfants. Quand un autiste naît, neuf fois sur dix les parents se séparent. L’enfant reste alors avec sa mère qui doit arrêter de travailler, et perçoit donc moins d’argent. C’est très mal parti pour lui. Une famille riche, elle, trouvera de bons professionnels ou émigrera au Canada ou aux USA. Ce qui ne veut pas dire que les familles riches n’ont aucun problème, bien évidemment. Il y a aussi le fait que dans un milieu défavorisé, votre enfant a de grandes chances de ne pas être diagnostiqué correctement. Si certains disent que l’autisme de leur enfant est bien accepté, tant mieux. Mais il faut être réaliste. Un autisme enfant, à l'âge de 3 ou 4 ans, avec un petit qui donne des tapes à tout le monde, c’est mignon. Mais un autisme adulte, à 25 ans ? Quand les parents ne seront plus là, qui le protégera ? Il ne faut pas oublier que l’enfant autiste devient un adulte, qu’en grandissant son handicap ne disparaît pas dans la nature.
Il y a certes différents types d'autisme mais le comble de l’autisme en général est cette absence d’indices physiques. Les parents d’enfants autistes subissent alors souvent un harcèlement de la part de leur entourage. J’ai déjà entendu des remarques telles que « Si on ne sait pas éduquer un enfant, on n’en fait pas ? », ou encore « Donnez-le moi un week-end, je vais le guérir ? ». Rien de nouveau sous le soleil. Pour que l’autisme soit perçu différemment, il faut faire en sorte que le grand public ait une vraie connaissance de ce handicap. On en est très loin en France…
Chaque être humain a une multitude de dimensions. L’une de mes facettes est d'être porteur d’autisme. J’ai aussi d’autres caractéristiques, comme ma taille, mon milieu familial. L’autisme n’épuise pas toute l’identité d’une personne. Pour ma part, je suis depuis longtemps dans le petit monde de l’autisme. Je suis devenu une sorte de rat de laboratoire...
Je n’ai pas d’attente particulière. L’autisme n’était pas censé être mon métier. J’avais d’autres projets et j’en ai toujours. Les choses se sont faites par nécessité. J’ai dû abandonner un poste de professeur à l’université de Téhéran, refuser les propositions du gouvernement indien. Il y a quelques années, quand j’étais plongé dans ce monde-là, il n’y avait rien ni personne pour en parler. Aujourd’hui, je ne me sens pas le culot d’abandonner l’autisme en France.
Certains croient que je suis un modèle de réussite. Pourtant quand les personnes me rencontrent, elles se rendent compte que j’ai beaucoup moins d’aptitudes qu’elles croyaient, que leur enfant se débrouille beaucoup mieux que moi. Parfois, les réactions sont presque moqueuses, voire (rarement) condescendantes. On ne peut pas comparer tous les autistes. Cette histoire de degré d’autisme devrait être formulée en termes de degrés d’apprentissage, offerts ou non à la personne ou à la famille. Un enfant privé d’école et d’éducation a simplement moins de chances qu’un autre.
Dans une classe peuplée uniquement d’enfants autistes, un enfant non autiste sera considéré comme handicapé. Prenez l’exemple du restaurant Dans le noir [Ndlr, les clients dînent dans l’obscurité absolue, guidés par un personnel non-voyant], le handicap s’inverse. Il faut inviter les gens au voyage, découvrir le pays des personnes autistes, ne pas croire ce qu’on peut entendre, mais s’intéresser aux individus eux-mêmes. C’est le cadre qui est handicapant, pas l’autisme. Un pays entièrement peuplé de gens autistes serait fonctionnel. Si la société veut avoir un avenir, elle devra s’appuyer sur ces personnes.
(Rires) C’est difficile. C’est comme ne pas aimer du tout le chocolat. Ça peut exister, mais c’est rare.
Le zénith.
Remplacez certains mots par d’autres, et vous aurez la réponse. J’ai plein d’amis autistes qui ont réussi les concours administratifs avec brio, et qui pourtant ont été éliminés à la visite médicale.
Humanité.
Exclusion.
Comment dire bonjour, combien de courbettes vous devez faire.
(Rires) J’hésite, il y en a plein… En 2e année après le bac, l’une de mes camarades de classe m’a demandé de la regarder fixement dans les yeux. C’est là que j’ai compris qu’elle avait des lentilles. Avec le recul, je pense que l’objectif n’était pas de constater qu’elle avait des lentilles…
Pas de sport, non non non ! Je suis anti-sportif au possible, et la plupart des autistes le sont aussi. En tout cas, ce serait un sport individuel comme la marche, ou le lien avec les animaux comme l’équitation.
Non. C’est comme si on me demandait « vous prendriez un médicament pour avoir telle couleur des yeux ou telle taille ». Le fait d’être autiste n’est pas une déficience ou une maladie, c’est une forme de fonctionnement qui n’est ni plus ni moins pathologique que le fait d’être Japonais ou Coréen. On devrait être content qu’il y ait une diversité dans l’être humain !
Ce serait une langue en images, avec une écriture semblable au chinois, et une grammaire très compliquée à la japonaise. Une langue complexe à apprendre, c’est tellement plus intéressant !
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